
LES ENFANTS DE CES PARENTS SONT-ILS PLUS VULNERABLES ?
D’autre part, si l’on trouve des études sur le quotidien des parents ayant un enfant malade ou handicapé, à l’inverse, le fait de grandir avec un parent malade ou handicapé ne semble pas avoir été fréquemment examiné. Ces enfants sont-ils plus vulnérables que les autres ? S’il n’est certes pas anodin de grandir ainsi, cette situation vat-elle générer une fragilité psychique ou physique particulière ? Impossible de généraliser. Nous savons tous que face aux difficultés, les ressources diffèrent selon les personnes. Certaines développent des anxiétés, somatisent, d’autres transforment plus ou moins rapidement les expériences en quelque chose de positif, construisent, trouvent des moyens de devenir plus forts (résilience). Et à l’adolescence, n’est-il pas difficile de s’identifier à l’image d’un parent vécu comme « défaillant » ? Défaillant puisque dans les représentations collectives le handicap est vécu comme une « anormalité ». En raison de la maladie ou du handicap de leur parent, certains enfants peuvent développer une mauvaise estime d’eux- mêmes, se sentent stigmatisés. La psychologue Jaqueline Wendland dans un ouvrage (1)qu’elle a coécrit
« La parentalité à l’épreuve de la maladie ou du handicap : quels impacts pour les enfants » en 2017 défend l’idée que cette situation n’est pas sans conséquence sur leur construction. Elle écrit « hypermatures, [ces enfants] peuvent être autonomes et indépendants plus tôt. Toutefois, ils ne vivent pas leur enfance avec la même insouciance que leurs camarades ».
Et puis, autre question, peut-on mettre sur le même plan les personnes atteintes de troubles cognitifs, moteurs, non ou mal voyants… ? Ce qui est certain, c’est que les personnes malades et handicapées, selon le degré, la nature et l’évolution des difficultés, ne constituent pas un groupe homogène. Tous les handicaps ne génèrent pas les mêmes problèmes. Il y a souvent un étiquetage et là est peut-être le vrai handicap. Chaque individu appartient à une famille, un milieu, grandit plus ou moins dans l’estime de lui, accède ou non aux études, s’épanouit ou pas affectivement ou professionnellement. Le handicap ou la maladie ne font que s’ajouter à ces paramètres. Une personne handicapée bien entourée, autonome, ayant une qualification, un travail, pourra s’occuper de son enfant avec plus de facilité, trouvera les mots, donnera du sens aux évènements, à la différence, au réel. En revanche, une personne handicapée évoluant dans un manque de confiance ou dans la mésestime d’elle-même, ignorant ses droits aura plus d’entraves dans sa parentalité.
ABORDER LA QUESTION DE LA PARENTALITÉ DANS SA GLOBALITÉ.
Le milieu, le cadre de vie est donc une variable importante. Aussi est-il indispensable de pouvoir se faire aider, pour mettre en place des stratégies afin d’agir et d’anticiper. Sur ce point, Jaqueline Wendland souligne qu’outre les capacités propres des uns et des autres se pose la question de l’accompagnement, du soutien. Comment se positionne le parent non malade ou non handicapé ? Existe-t-il une famille soutenante ? Des grands parents disponibles, proches au quotidien ? Si pour certaines maladies, des groupes de paroles avec des professionnels formés agissent, on trouve encore peu de structures d’écoute et de soutien en faveur des familles.
Il existe un centre de soutien à la parentalité, endroit unique, situé à Paris, le SAPPH (2). On y insiste sur les capacités des personnes, on les aide à s’organiser, à trouver des solutions, à acquérir des compétences. Puéricultrices, psychologues, assistantes sociales… aident les personnes en situation de handicap à surmonter leur angoisse et leur montre le chemin pour être des parents comme les autres. J’aurais aimé que la jeune femme et nouvelle maman impactée par la maladie, rencontrée dans le centre de rééducation, puisse bénéficier d’un tel service. Souhaitons que l’accompagnement à la parentalité se structure en France sur ce modèle.
ÉCARTONS PERFECTION ET FORMATAGE
Je voudrais enfin ajouter que, comme le souligne dans son ouvrage (3), le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan, “les parents ne doivent pas culpabiliser et cesser de vouloir être parfaits.”. Il faut mettre fin à cette injonction sociale génératrice d’une auto-pression qui pèse surtout sur les femmes. Éduquer est toujours une source d’insatisfaction que l’on soit handicapé, malade ou non. On fait du mieux que l’on peut, avec bienveillance. La vie fait ensuite le reste. Les parents ne sont pas les seuls déterminants de l’existence de leurs enfants. Ceux-ci ont une part de route à construire eux-mêmes quel que soit l’état de santé de leurs parents. Ils découvriront d’autres univers, feront d’autres apprentissages et rencontreront selon l’expression de Boris Cyrulnik, “d’autres tuteurs de résilience”. Tous les parents, handicapés, malades ou pas ont le droit de voir grand pour leurs enfants et eux ont le droit de les décevoir. On transmet par exemple des valeurs, à eux d’explorer et de définir leurs horizons.
Que les parents, touchés par un handicap ou une maladie, qui fait obstacle à une parentalité serine, douce… bénéficient des moyens psychologiques et matériels qui leur permettront lorsque cela est nécessaire d’être des parents comme les autres. Aujourd’hui, il existe une aide à la parentalité servie par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), ouvrant droit à la Prestation de Compensation du Handicap et parent d’un enfant d’un enfant jusqu’à 7 ans. D’autre part la Protection Maternelle et Infantile (PMI), service de santé publique des Conseils Départementaux, propose un accès aux soins pour les femmes enceintes, les enfants jusqu’à 6 ans et un accompagnement pour les parents.
Pour finir, ma fille va bien, elle aime la vie.
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- (1) Professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à la Sorbonne et coordonnatrice du livre “La parentalité à l’épreuve de la maladie ou du handicap: quels impacts pour les enfants ?” (Ed. Champ Social-2017)
- (2) SAPPH, service de guidance périnatale et parentale des personnes en situation de handicap, 26 Bd Brune, 75014 Paris. Contact: sapph@fhsm.fr
- (3) Responsable du departement de psychologie clinique de l’Institut Paoli Calmette et auteur de “De l’art d’élever des enfants (im)parfaits”, (Ed.Eres 2018)
Conseils de lectures
- “Sam Et Pat’, une famille formidable!”, des images et des mots pour expliquer la SEP aux enfants (Biogen)
- “La bataille des TIREGS a commencé, il faut stopper la SEP” (Merck)
- “Dis maman, dis papa, la SEP c’est quoi ?” (LF SEP et SANOFI GENZYME)