Un podcast de Radio France de 52′
Comment se forge l’éducation sexuelle des ados, notamment grâce à la culture pop et les réseaux sociaux ? Regarder « Sex Education » en famille est-il une bonne idée ? Les cours d’éducation relationnelle et sexuelle font-ils des ados des accrocs ? Que de questions sur la sexo des ados.
Dès la rentrée prochaine, les élèves des écoles, collèges et lycées auront droit à des cours d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Une loi arrivant à la rentrée scolaire 2024 a pour objectif pour les 4èmes « de mettre en place et d’examiner les différentes définitions de la sexualité : reproduction, désir d’enfant, plaisir, amour », en 3ème, les élèves devront apprendre à « inscrire la sexualité dans la définition et le respect des droits humains », puis en Terminale, les élèves pourront apprendre à « s’éprouver dans leur sensibilité propre pour se connaître ».
En attendant, les ados apprennent sur le tas, entre camarades et aussi via les réseaux sociaux, plus singulièrement l’application Tik Tok qui fait office de grand éducateur sexuel de la jeunesse. Pour le meilleur et pour le pire, comme le rappelle le magazine We Demain, partenaire de cette émission. Et puis nous nous pencherons aussi sur le rôle de la pornographie, des séries télés comme Sex Education ou Skam, dans leur apprentissage de la sexualité.
Enfin, nous verrons quel est le rôle des parents. Attention, émission pas forcément adaptée aux oreilles des moins de 12 ans.
C’était mieux avant ? Surtout violent, et sans consentement.
Qui des invité.e.s ici ont reçu des cours de sexualité ? À peu près aucun.e, tout du moins au sens auquel on l’entend aujourd’hui. Certain.e.s ont vu un accouchement en gros plan au collège, cette fameuse cassette VHS et sa vidéo traumatisante dont se souviennent nombre de quadras, d’autres ont assisté à une sort de cours ou on enfile un préservatif sur des bananes ou un généreux sexe masculin en plastique. Bref, une sexualité axée sur la reproduction, à une période où le sida est très présent, de fait, mais jamais on ne parle de consentement, de préliminaires dans les années 1990 / 2000. On est dans des questions hygiéniques, techniques, mais certainement pas dans le plaisir ou le soin. Les enseignants, aujourd’hui, sont plus dans une discussion, une approche plus tranquille des sujets, finies la VHS et les bananes.
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Les cours relationnels et sexuels sont une bonne idée, à recaler certes, mais une bonne chose
Que dire de ces nouveaux programmes « attendus, attendus car remis pendant quasiment deux ans » pour la journaliste Armelle Oger, pour qui, il y avait une panique de certains parents voyant arriver ces cours et qui se sont organisés en associations et manifestations. Des cours arrivent donc avec des mots forts pour les CP, CE1 et 5ème, qui « s’ils sont appliqués, peuvent faire bouger les choses« . Pour autant, Camille Aumont Carnel, militante et influenceuse sexo, déplore que le programme des 5ème arrive un peu tardivement dans leur curiosité et leur développement : « La moyenne du visionnage du premier porno c’est neuf ans ! On parle en 5ème de pouvoir nommer, s’exprimer… En fait, c’est trop tard« . Très bonne chose même si un peu tard, car les ados ne restent jamais sans réponse, et vont chercher là où ils peuvent trouver.
Le professeur de philosophie, Thibaud de Saint-Maurice, se réjouit pour sa part du fait que les enseignants vont pouvoir s’emparer du sujet « et sauront s’emparer des programmes, voire sauront intégrer ces programmes pour faire un lien avec de l’historie, de l’économie, etc« . La sexperte Maïa Mazaurette se réjouit également, mais prévient : la sexualité n’est pas une chose figée qui s’apprend et s’borde de la même manière au fil du temps, attention à bien remettre tous ces programmes à jour. Et il doit y avoir un débat, une approche pour les invités qui soulignent que l’enseignement des relations ne doit pas se faire de manière descendante, comme une leçon technique, mais doit rester un échange, un moment pou répondre à des questions, des incompréhensions.
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L’invité de 8h20 : le grand entretienÉCOUTER PLUS TARD
25 min
Qu’en disent et que font nos voisins francophones ? En Belgique, il y a longtemps que l’invitation à organiser des discussions est en place, elle devient aussi obligatoire à la rentrée 2024. Des fonds ont donc été débloqués pour former les personnes de terrain qui font les animations. Alexandra Hubin, enseignante bruxelloise, déplore aussi que ces cours arrivent tard, à un âge où les experts ont jugé que le moment était charnière, car il fallait bien trancher, hors cette Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) est malheureusement un peu décorrélée de la découverte d’une certaine sexualité via le smartphone, en général dans les mains des enfants bien avant la 5ème, dès le CM2.
Parler sexualité avec ses parents ou son enfant est un choc de l’intime, donc merci l’école et ses cours
La parole et l’information sont certes de plus en plus présentes dans nos sociétés modernes, pour autant, une étude montre pour autant qu’à peine 15 % de parents parlent de sexualité avec leurs enfants, à part « si tu couches, protège-toi » ; les questions restent donc en suspens la plupart du temps. Et ce n’est par ailleurs pas forcément un sujet qu’on a envie d’aborder avec ses parents. Il y a aussi pour le professeur « un choc de l’intime« , entre une intimité parentale avancée, qu’on souhaite épanouie, et l’autre en construction chez l’enfant ou l’ado : « pas certain qu’il faille que ces deux intimités soient perméables, bien sûr il faut communiquer, mais aussi une forme de respect de l’intimité« . Il est donc intéressant et positif que cette discussion puisse aussi se passer aussi à l’école, hors du cercle familial.
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La Question du jourÉCOUTER PLUS TARD
7 min
L’enseignement relationnel et sexuel protège les enfants, contrairement aux rumeurs.
La France et la Belgique ont vu arriver une déferlante de désinformation sur ces cours, « c’est la panique de parents, mais face à cette panique il faut s’organiser« . Camille Aumont Carnel dénonce la rumeur affirmant que « parler de sexualité, de consentement ou de pornographie à des ados ou des jeunes les inciterait« , hors c’est tout le contraire : ça les prépare et les éloigne du porno, car des réponses ont été trouvées, ou à peu près. Dès les débuts de la création de son compte Instagram, il y a 6 ans, de nombreux ados sont venus, ils viennent chercher des réponses à des questions, pas des images.
Maia Mazaurette ajoute : « Ce qui se joue aussi est la construction de l’enfant comme personne innocente (…) Il faut dire à ces parents-là qu’en voulant préserver à tout prix l’innocence de leurs enfants, il est bien possible qu’ils les mettent en danger, parce que ce qui est enseigné à l’école est aussi de pouvoir dire non. Paradoxalement, si vous voulez que votre enfant reste innocent, il faut le laisser assister aux cours de sexualité.«
La série Sex Education est-elle une bonne manière d’appréhender la sexualité chez ou avec les ados ? Comment en discuter (un peu) en famille, comment voir les signes de questionnements ? Que penser des sexologues sur TikTok ?
La suite et les réponses sont à écouter…
Invitée.e.s pour parler de sexe aux ados :
- Armelle Oger est journaliste et conseillère éditoriale au magazine We-demain. Elle a travaillé dans de nombreux quotidiens et hebdomadaires comme reporter et a dirigé la rédaction de plusieurs magazines féminins. Également autrice et essayiste. Notamment de “C’était comme ça en France… dans les années 80” (Grund, 2014).
- Camille Aumont Carnel est une militante féministe, autrice, entrepreneuse, influenceuse. Avec son compte et média @jemenbatsleclito. Autrice de “#Adosexo” chez Albin Michel Jeunesse en 2022 et “Être raciste c’est quoi ?” (Alt, 2024)
- Thibaut de Saint Maurice est professeur de philosophie. Auteur de “Des philosophes et des héros” (First, 2019)
- Alexandra Hubin est docteure en Psychologie et sexothérapeute à Bruxelles. Enseignante. Fondatrice de SexoPositive, une plateforme s’attachant à la transmission de connaissances et de compétences en matière de santé sexuelle. Également chroniqueuse (RTBF, France 2). Autrice de “Confidences d’un organe mystérieux : Clitoris, la vérité mise à nu” (Eyrolles, 2021)
- Maia Mazaurette est sexperte, autrice et chroniqueuse, spécialisée dans les questions de sexualité. Autrice de La Vulve, la Verge et le Vibro (Points Féministe, 2022)