Elle n’arrivera même jamais dans votre boite mail. Mais c’est précisément ce qui rend ce courrier imaginaire aussi utile, et percutant.
Comment comprendre les émotions d’un adolescent qui se réfugie dans un silence obstiné ? Quels regards porter sur l’adolescence, cet âge que l’on dit souvent ingrat lorsque nous sommes devenus parents à notre tour ? Avons-nous à ce point, oublié notre adolescence pour ne pas savoir comment accompagner son enfant à traverser cette période de développement… ? Réponse avec cette lettre imaginaire mais précieuse. Un grand merci à Gretchen Schmelzer
Parent, c’est la lettre que j’aimerais pouvoir t’écrire.
Ce combat dans lequel nous sommes en ce moment, j’en ai besoin. J’ai besoin de ce combat. Je ne peux pas te le dire car comment te le dire et cela n’aurait aucun sens de toute façon. Mais j’ai besoin de ce combat
J’ai besoin de te détester maintenant et j’ai besoin que tu survives à ce besoin. J’ai besoin que tu survives au fait que tu me détestes aussi parfois dans cette période que je traverse. J’ai besoin de ce combat même si je le déteste. Peu importe le sujet de cette dispute : l’heure du coucher, les devoirs, la lessive, ma chambre en désordre, mes sorties, mes ami(e)s, ceux que tu trouves biens et les autres. Cela n’a pas d’importance. J’ai besoin de te combattre et j’ai besoin que tu me résistes !
J’ai désespérément besoin que tu tiennes fermement le bout de ma corde pendant que je me débat à l’autre bout à trouver mes repères dans ce nouveau monde dans lequel j’ai l’impression d’être. Avant, je savais qui j’étais, qui tu étais, qui nous étions. Mais pour l’instant je ne le sais pas. Je ne le sais plus. En ce moment, je cherche mes limites et je ne peux parfois les trouver que lorsque je me confronte, m’oppose à toi. Lorsque je pousse tout ce que je connais dans ses derniers retranchements. J’ai l’impression alors d’exister et je peux respirer. Je sais que tu appréciais l’enfant doux que j’étais et que tu te demandes actuellement, “mais où est passé cet enfant ?”. Je le sais parce que j’ai aussi envie de ce gamin. Et à ce moment précis, je souffre de ne pas le trouver.
J’ai besoin de ce combat. J’ai besoin de voir que peu importe à quel point mes sentiments sont mauvais, ils ne nous détruiront ni toi, ni moi. J’ai besoin que tu m’aimes. Avoir l’assurance de ton amour aux pires moments de mon adolescence. J’ai besoin que tu t’aimes quand je parais ne pas t’aimer. J’ai besoin que tu m’aimes pour nous deux. Je sais que ça craint d’être détesté et étiqueté comme “le méchant”. Je ressens la même chose à l’intérieur, mais j’ai besoin que tu le tolères. Dans ce moment particulier, tu peux demander de l’aide et parler de moi à mon insu, ça me va. Mais je t’en prie, parent ne m’abandonne pas car j’ai besoin de toi.
C’est le combat qui m’apprendra que mon ombre n’est pas plus grande que ma lumière. C’est le combat qui m’apprendra que les mauvais sentiments ne signifient pas la fin d’une relation. C’est le combat qui m’apprendra à m’écouter, même si ce combat risque de décevoir, vous et les autres.
Et ce combat particulier prendra fin. Comme toute tempête, elle soufflera. Et j’oublierai et tu oublieras. Et puis ça reviendra. Et j’aurai besoin que vous vous accrochiez à nouveau à la corde. J’en aurai besoin encore et encore pendant des années.
Je sais qu’il n’y a rien de fondamentalement satisfaisant dans ce travail pour toi. Je sais d’avance que je ne t’en remercierai probablement jamais ni même ne reconnaîtrai ton rôle dans cette période. En fait, je vais probablement te critiquer pour tout ce travail acharné que tu feras. Il semblera que rien ne sera suffisant. Et pourtant, je compte entièrement sur ta capacité à rester dans ce combat. Peu importe combien je discute. Peu importe combien je boude. Peu importe à quel point je suis silencieux ou même colérique. Mais surtout, accroche-toi à l’autre bout de la corde. Et saches que tu fais le travail le plus important que quiconque puisse faire pour moi en ce moment.
Avec amour, ton adolescent
Gretchen Schmelzer est une psychologue américaine. Afin d’expliquer aux parents ce que leurs enfants ressentent, elle a imaginé cette lettre.